Tintin au Congo : voyage au pays du politiquement correct
François-Xavier Ajavon, auteur de nombreuses chroniques dans la presse française, signe un papier sur le site du Figaro.fr à propos de la récente (et éternelle) polémique concernant Tintin au Congo. S'il reconnaît que l'Afrique dépeinte par Hergé est parfois caricaturale, il rappelle aussi la subtilité de l'imaginaire du dessinateur belge.
Extrait
"Quelques remarques, en passant… Dans l'album Tintin au Congo, les Africains n'ont pas le mauvais rôle de cette aventure exotique. Pour que les militants du Groupe d'intervention contre le racisme (Brrrr…) le sachent, il eût fallu qu'ils lussent attentivement cet album - ce qu'ils n'ont pas fait. Dans cette histoire, le petit reporter belge est aux prises avec des gangsters blancs, affiliés à Al Capone, qui veulent contrôler la production des diamants du Congo. Le vrai «méchant» de l'album est l'homme blanc Tom, cherchant à tuer Tintin à plusieurs reprises, et finissant dévoré par des sauriens (faut pas plaisanter avec le bien et le mal). Les vraies victimes de cet album ne sont guère les Africains mais les animaux sauvages: plusieurs dizaines sont tués, notamment par Tintin, dans le plus pur esprit de chasse «safari» sévissant à l'époque en Occident. En attendant, les Congolais ne sont représentés ni comme des gens cruels, ni comme des individus avides de richesses, ni comme des peuples servilement soumis. À maintes reprises, Hergé cherche, avec succès, à nous les rendre sympathiques.
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Si la Russie soviétique de Tintin chez les Soviets était caricaturale et l'Afrique de Tintin au Congo ébauchée à grands traits, il est nécessaire de reconnaître la subtilité réelle de la représentation du monde dans bon nombre d'albums d'Hergé… On se souviendra de la Chine complexe et voluptueuse du Lotus Bleu, entre fumeries d'opium et conflit sino-japonais ; on se souviendra aussi des montagnes tibétaines, obsédantes de blancheur symbolique immaculée, et des moines bouddhistes dans Tintin au Tibet. Album remarquable, où la tolérance du petit reporter belge à l'égard de la différence s'étend même jusqu'au Yéti, dont la dernière bulle se demande s'il ne serait pas «humain»."