Hergé Tintin et les Soviets
En mélangeant l’Histoire à celle de la bande dessinée et en faisant aussi bien le récit desdébuts modestes du père de Tintin, Philippe Goddin retrace pour nous la naissance d’uneœuvre qui fut la première pierre à l’édifice de Georges Remi : Tintin au pays des Soviets.
1917, la Russie est en effervescence, les révolutionnaires ont pris le pouvoir. Pour Hergé, à peineâgé de dix ans, les mots "bolchevik", "goulag", "Lénine", ressemblent à des insultes pré-haddockiennes.
La naissance de Tintin
Ce n’est que six ans plus tard, que la réalité du communisme lui sautera au visage. D’ailleurs, lejeune artiste esquissera le portrait édifiant d’un bolchevik. Indigné parmi les autres, c’est àl’occasion du lancement du Petit Vingtième, que le dessinateur belge, sous l’impulsion de songuide spirituel l’Abbé Norbert Wallez, s’attaque au régime communiste. Tintin au pays desSoviets est né de cette influence et d’une commande ferme du cher Abbé à la tête du VingtièmeSiècle, journal belge catholique de l’époque. Et ce nouveau personnage de papier est chargé demettre son nez et sa houpette dans les «réalités» soviétiques. Ce premier Tintin n’est pas unpamphlet, c’est aussi avant tout un récit mis en images pour des jeunes lecteurs. Avec cettenouvelle création, Hergé souhaite mener la narration au moyen de dessins articulés en planches etcases munies de bulles dans lesquelles il insère des dialogues. Il contribue fortement à lanaissance de la bande dessinée qui était encore balbutiante.
Au pays des mensonges, ce nouveau héros qu’est Tintin ira au-delà des apparences soignées etdes réalités dissimulées. Et ceux qui viendront à sa rencontre seront tapis dans l’ombre.
Un album nourri de thèmes forts
Tintin au pays des Soviets se nourrit de thèmes forts dont la mort. Celle-ci est une notionrécurrente en Russie et elle est étroitement liée au pouvoir communiste. Hergé a parfaitementintégré cette notion. D’ailleurs le mot « mort », retranscrit dix-sept fois dans le récit, pourrait en êtrele fil rouge. Dès le début de son voyage, Tintin flirtera avec elle et rien ne sera épargné au héros.Heureusement, et parfois de justesse, le reporter échappera toujours à la grande faucheuse.
Une inspiration tirée de la réalité
S’inspirant du livre de Joseph Douillet, ancien consul belge en Russie, Hergé croit détenir unesource d’informations fiables. Malheureusement, celles-ci sont plus limitées et orientées qu’il n’yparaît. Et l’auteur, par son œuvre, alimente certains traits du pamphlet anticommuniste.Heureusement, cet emprunt qu’il fait à Douillet n’occulte pas les qualités propres de Tintin aupays des Soviets. S’appuyant sur des photos de référence, Hergé conférera un certain réalismeà ses tableaux, notamment dans les uniformes qu’il prête aux Russes. Il y a une volonté de rapprocher la réalité de la fiction à travers les dessins et la narration. Cette aspiration de réalisme sera poussée très loin, puisque le retour de Tintin du pays des soviets sera véritablement organisé à la gare de Bruxelles Nord. La réalité rejoindra la fiction.
Comme tout artiste, Hergé a eu des référents et ils sont au nombre de quatre : René Vincent,Georges Mc Manus, Alain Saint-Ogan et Benjamin Rabier. Ces inspirations permettront à l’artistede réaliser tout ce qui englobe l’expression « ligne Claire ». À travers ses dessins, Georges Remiréussira à retranscrire des émotions, et des sentiments. On retrouve également une dynamique deséléments à travers les courbes d’Hergé, mais Tintin ce n’est pas que des lignes, des courbes, desdessins... c’est aussi des bulles avec un vocabulaire et une grammaire soigneusementétudiés.
Une lutte presque sans fin
Hergé, Tintin au pays des Soviets, c’est la création d’un héros, mais c’est aussi un combat. Une lutteentre Casterman et Hergé pour le remaniement et la réédition de cette première œuvre.Finalement, c’est en 2017 que le rêve d’Hergé se réalisera, trente ans après son décès, Tintin aupays des Soviets en couleur sera édité par Casterman.
C’est à travers le livre Tintin et les Soviets que vous pourrez découvrir cette histoire, ceshistoires tellement mêlées les unes aux autres et qui font tout le charme de la premièreoeuvre créée par Hergé : Tintin au pays des Soviets.
L’album à la loupe
Bruxelles, 1929, Tintin et Milou prennent le train direction Moscou. Pour le jeune reporter, c’est ledébut d’une grande aventure ; pour Hergé, son créateur, c’est le début de sa carrière. Tintin aupays des Soviets marque la naissance d’un mythe qui n’est pas près de s’éteindre.
Le carnet de voyage
Ce carnet de voyage vous emmène à ladécouverte d’un état qui a disparu, mais d’un pays qui est bel et bien vivant.