Portrait de Louis Bussard
Portrait
Craignant une attaque de l’Allemagne nazie, la Suisse décréta la mobilisation générale dès le premier jour de l’invasion allemande en Pologne, le 1er septembre 1939. C’est pendant la mobilisation que Louis Bussard entre pour la première fois en contact avec les camions. « Nous avions des Saurer à six roues motrices qui étaient très à l’aise dans le terrain avec leurs roues indépendantes », se rappelle celui qui est né le 9 septembre 1917 à Roche, près de Villeneuve (VD).
C’est sous les drapeaux, alors qu’il est mobilisé en Valais, qu’il apprend que le marchand de vins Orsat recherche du personnel à Martigny. Il y sera engagé en tant que livreur et sillonnera toute la Suisse à bord de camions qui étaient nettement moins performants que ceux que l’on connaît aujourd’hui, surtout lorsqu’il s’agissait de gravir d’interminables montées.
« Lorsque nous nous rendions à Crans-Montana, certaines pentes ne pouvaient être négociées qu’en première. Il nous arrivait ainsi d’acheter le journal en plaine, à Sierre, et de le poser sur le volant afin de pouvoir le lire dans les montées, tellement nous roulions lentement », rigole Louis Bussard.
Après les années valaisannes, passées à livrer en vin les cafés et restaurants de toute la Suisse pour la maison Orsat, Louis Bussard déménage à Genève. Après la Seconde Guerre mondiale, la reprise économique y est beaucoup plus nette qu’en Valais et un de ses premiers emplois consiste à aller « ramasser » les ouvriers en autocar afin de les conduire à l’usine Givaudan.
« J’ai ensuite conduit pour Tous Transports les premiers véhicules à cabine avancée, notamment les Saurer à huit cylindres avec lesquels je faisais sensation chaque fois que je me rendais en France pour aller chercher des cargaisons d’ail », se souvient notre alerte nonagénaire.
« J’avais toujours mon appareil photo avec moi, à un tel point que j’aurais dû être photographe plutôt que chauffeur », plaisante-t-il. Au fil des pages de ses albums, une photo retient notre attention. C’est celle d’un petit garçon au volant d’un autocar Mercedes aux couleurs du Collège du Léman: « Il s’agit d’Alain, le cadet de mes quatre enfants. C’est lui qui a pris contact avec vous pour cet article. Il a 12 ans sur la photo et a embrassé plus tard lui aussi la profession de chauffeur. Aujourd’hui, il est chef d’unité pour la collecte des déchets à la voirie de la ville de Genève. Il faut le voir manœuvrer dans les rues étroites avec son camion rempli de balayures. C’est un vrai champion », conclut fièrement Louis Bussard. (Laurent Missbauer)
Membre fondateur des Routiers Suisses
Louis Bussard fait partie des membres fondateurs des Routiers Suisses, association créée en 1957 afin de défendre les intérêts des chauffeurs de poids lourds. « Même si je n’y ai jamais occupé de fonctions dirigeantes, j’y ai adhéré dès la fondation de l’association. Je m’y suis fait de nombreux amis depuis 1957. Beaucoup ont malheureusement disparu au fil des décennies », déplore Louis Bussard qui fêtera ses 99 ans le 9 mai prochain et à qui les Routiers Suisses avaient décerné en 2007 un diplôme en or pour ses 50 ans de sociétariat.
Une des nombreuses preuves de l’attachement que Louis Bussard porte à notre association est la photo qui illustre cet encadré et qui a été prise à Bussigny lors de l’une des toutes premières assemblées des Routiers Suisses. Cette photo figure en bonne place dans les albums de photos que Louis Bussard nous a montrés dans l’EMS genevois dans lequel il réside depuis un peu plus de quatre ans. (lm)
Est-ce Louis Bussard dans l’Affaire Tournesol ?
Le hasard fait parfois bien les choses. Lorsque nous avions pris rendez-vous avec Louis Bussard, il n’était question que d’effectuer le portrait du membre le plus âgé des Routiers Suisses. Nous ignorions qu’il avait conduit dans les années cinquante l’autocar Swissair de « L’Affaire Tournesol » que nous avions présenté dans notre magazine du mois de décembre 2014. « Je travaillais à l’époque chez Auderset & Dubois, société que Swissair avait mandatée pour conduire les passagers depuis la gare de Cornavin jusqu’à l’aéroport de Cointrin », explique Louis Bussard.
« Il fallait être présent à Cornavin quel que soit le nombre de passagers en transit pour l’aéroport. C’était l’une des exigences de la compagnie aérienne. Une autre exigence était que les chauffeurs de l’autocar devaient porter l’uniforme de Swissair. J’adorais cet uniforme et la photo qui m’avait été faite dans cette tenue. Aujourd’hui, cette photo se trouve à côté de mon lit. »
Hergé a-t-il dessiné Louis Bussard dans « L’Affaire Tournesol »? Et si oui, est-il au volant ou devant l’autocar ? Louis Bussard l’ignore. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y avait que quatre chauffeurs qui étaient dévolus à cette tâche chez Auderset & Dubois. Il y a donc 25% de chances pour que ce soit bien lui qui accueille Tintin devant l’autocar! (lm)