Portrait de Louis Bussard

Article écrit par Laurent Missbauer qui est allé à la rencontre de Louis Bussard pour le magazine Swiss Camion.
Près de 100 ans de souvenirs

Portrait

Membre fondateur des Routiers Suisses, Louis Bussard aura 99 ans le 9 mai 2016. Il nous a reçu afin d’évoquer les débuts du métier et ses « magnifiques années passées sur toutes les routes d’Europe ».
Evoquer les premiers balbutiements de la profession de chauffeur poids lourds avec Louis Bussard, le membre le plus âgé des Routiers Suisses, c’est passer en revue une bonne partie de l’histoire du 20e siècle. A commencer par celle de la Seconde Guerre mondiale.
Craignant une attaque de l’Allemagne nazie, la Suisse décréta la mobilisation générale dès le premier jour de l’invasion allemande en Pologne, le 1er septembre 1939. C’est pendant la mobilisation que Louis Bussard entre pour la première fois en contact avec les camions. « Nous avions des Saurer à six roues motrices qui étaient très à l’aise dans le terrain avec leurs roues indépendantes », se rappelle celui qui est né le 9 septembre 1917 à Roche, près de Villeneuve (VD).
C’est sous les drapeaux, alors qu’il est mobilisé en Valais, qu’il apprend que le marchand de vins Orsat recherche du personnel à Martigny. Il y sera engagé en tant que livreur et sillonnera toute la Suisse à bord de camions qui étaient nettement moins performants que ceux que l’on connaît aujourd’hui, surtout lorsqu’il s’agissait de gravir d’interminables montées.
« Lorsque nous nous rendions à Crans-Montana, certaines pentes ne pouvaient être négociées qu’en première. Il nous arrivait ainsi d’acheter le journal en plaine, à Sierre, et de le poser sur le volant afin de pouvoir le lire dans les montées, tellement nous roulions lentement », rigole Louis Bussard.


« Mon examen pour l’obtention du permis de conduire pour camion consistait à monter en marche arrière entre les vignes et à effectuer des huit autour de deux arbres qui bordaient la place de la Planta à Sion. »


« Toi t’es vraiment un bon chauffeur »
L’obtention du permis de conduire pour camion rappelle également de bons souvenirs à Louis Bussard: « L’examen débutait à la place de la Planta à Sion et le premier exercice consistait à effectuer des huit autour de deux arbres qui bordaient la place. J’ai dû ensuite monter en marche arrière une petite rue entre les vignes. C’était très étroit mais cela ne m’avait pas posé le moindre problème. Je me souviens encore très bien des mots prononcés par l’examinateur: «Toi t’es vraiment un bon chauffeur». C’est ainsi que j’ai réussi mon permis du premier coup! ».
Après les années valaisannes, passées à livrer en vin les cafés et restaurants de toute la Suisse pour la maison Orsat, Louis Bussard déménage à Genève. Après la Seconde Guerre mondiale, la reprise économique y est beaucoup plus nette qu’en Valais et un de ses premiers emplois consiste à aller « ramasser » les ouvriers en autocar afin de les conduire à l’usine Givaudan.
« J’ai ensuite conduit pour Tous Transports les premiers véhicules à cabine avancée, notamment les Saurer à huit cylindres avec lesquels je faisais sensation chaque fois que je me rendais en France pour aller chercher des cargaisons d’ail », se souvient notre alerte nonagénaire.
Au volant de l’autocar de Tintin
« Les camions Saurer représentaient ce qui se faisait de mieux à l’époque. Quand je me rendais à Lyon, il était fréquent que les Français me demandent d’ouvrir le capot du moteur afin qu’ils puissent admirer les huit cylindres. Ces moteurs marchaient tellement bien qu’il fallait parfois lever le pied en deuxième pour ne pas aller trop vite dans les cols! C’était le jour et la nuit par rapport aux premiers Saurer que j’avais conduits chez Orsat », précise Louis Bussard.
Tintin - "L’Affaire Tournesol"
Les années cinquante coïncident également avec les premières excursions. Louis Bussard travaille alors pour la société genevoise Auderset & Dubois qui dispose notamment du fameux autocar Saurer 3C-H que le dessinateur Hergé avait immortalisé dans « L’Affaire Tournesol », un des plus célèbres albums de Tintin. A son volant, Louis Bussard ne se contente pas de transporter les passagers de Swissair depuis la gare ferroviaire de Cornavin jusqu’à l’aéroport de Cointrin, mais voyage un peu partout en France et en Suisse. « Là, je suis au col de l’Iseran qui culmine à 2770 m d’altitude et qui est le plus haut de toutes les Alpes. Ici, nous sommes en 1951, sur la Côte d’Azur, sur la Grande Corniche de Giraudy-Bellevue avec le village d’Eze et le Cap-Ferrat à l’arrière-plan. J’y avais conduit des Neuchâtelois du Val-de-Travers qui me demandaient d’ouvrir le toit au moindre rayon de soleil », se remémore-t-il en pointant ici et là son doigt sur l’une des photos de ses albums qu’il a précieusement conservés.
Louis Bussard - ©Laurent Missbauer
La fondation des Routiers Suisses en 1957
Les photos des premières assemblées des Routiers Suisses ne manquent pas dans ses albums: « J’ai fait partie des membres fondateurs de l’association en 1957 », relève Louis Bussard. « Les principaux buts poursuivis par cette amicale étaient de développer la camaraderie et l’entraide entre chauffeurs routiers. On essayait également, dans la mesure du possible, d’obtenir de meilleurs salaires, de soutenir les membres et de les tenir au courant en éditant un petit bulletin. ».A ce dernier sujet, la lecture des premiers numéros est particulièrement instructive. Dans le premier numéro de 1958, on peut notamment y lire ce qui suit: « Chauffeurs de car, attention! Si vous vous dirigez sur Bâle, vous trouverez à 100 m du port un relais routier. La cuisine y est très bonne et les chauffeurs y seront très bien reçus. ». De telles adresses seront bien entendu plébiscitées par Louis Bussard qui, après avoir travaillé pour Auderset & Dubois, est engagé par Touriscar.
Autocar d’Auderset & Dubois - 1951 (Louis Bussard est tout à gauche)


« Mon fils est un vrai champion. Il faut le voir manœuvrer dans les rues étroites avec son camion rempli de balayures! »


Partout en Europe, sauf à Moscou
« Avec Touriscar, j’ai roulé sur toutes les routes d’Europe. C’était une période magnifique. Il ne me manque que Moscou. Les responsables de l’agence avaient concocté un très joli voyage en Russie mais celui-ci a dû être annulé car il n’y avait finalement pas eu suffisamment de participants », regrette Louis Bussard en feuilletant ses albums de photos où on le voit un peu partout en Europe.
« J’avais toujours mon appareil photo avec moi, à un tel point que j’aurais dû être photographe plutôt que chauffeur », plaisante-t-il. Au fil des pages de ses albums, une photo retient notre attention. C’est celle d’un petit garçon au volant d’un autocar Mercedes aux couleurs du Collège du Léman: « Il s’agit d’Alain, le cadet de mes quatre enfants. C’est lui qui a pris contact avec vous pour cet article. Il a 12 ans sur la photo et a embrassé plus tard lui aussi la profession de chauffeur. Aujourd’hui, il est chef d’unité pour la collecte des déchets à la voirie de la ville de Genève. Il faut le voir manœuvrer dans les rues étroites avec son camion rempli de balayures. C’est un vrai champion », conclut fièrement Louis Bussard. (Laurent Missbauer)
« J’ai conduit cet autocar »: Louis Bussard pose avec l’article que nous avions consacré l’année passée au Saurer 3C-H emprunté par Tintin et le capitaine Haddock dans « L’Affaire Tournesol » - ©Laurent Missbauer

Membre fondateur des Routiers Suisses

Louis Bussard fait partie des membres fondateurs des Routiers Suisses, association créée en 1957 afin de défendre les intérêts des chauffeurs de poids lourds. « Même si je n’y ai jamais occupé de fonctions dirigeantes, j’y ai adhéré dès la fondation de l’association. Je m’y suis fait de nombreux amis depuis 1957. Beaucoup ont malheureusement disparu au fil des décennies », déplore Louis Bussard qui fêtera ses 99 ans le 9 mai prochain et à qui les Routiers Suisses avaient décerné en 2007 un diplôme en or pour ses 50 ans de sociétariat.
Une des nombreuses preuves de l’attachement que Louis Bussard porte à notre association est la photo qui illustre cet encadré et qui a été prise à Bussigny lors de l’une des toutes premières assemblées des Routiers Suisses. Cette photo figure en bonne place dans les albums de photos que Louis Bussard nous a montrés dans l’EMS genevois dans lequel il réside depuis un peu plus de quatre ans. (lm)

Est-ce Louis Bussard dans l’Affaire Tournesol ?

Le hasard fait parfois bien les choses. Lorsque nous avions pris rendez-vous avec Louis Bussard, il n’était question que d’effectuer le portrait du membre le plus âgé des Routiers Suisses. Nous ignorions qu’il avait conduit dans les années cinquante l’autocar Swissair de « L’Affaire Tournesol » que nous avions présenté dans notre magazine du mois de décembre 2014. « Je travaillais à l’époque chez Auderset & Dubois, société que Swissair avait mandatée pour conduire les passagers depuis la gare de Cornavin jusqu’à l’aéroport de Cointrin », explique Louis Bussard.
« Il fallait être présent à Cornavin quel que soit le nombre de passagers en transit pour l’aéroport. C’était l’une des exigences de la compagnie aérienne. Une autre exigence était que les chauffeurs de l’autocar devaient porter l’uniforme de Swissair. J’adorais cet uniforme et la photo qui m’avait été faite dans cette tenue. Aujourd’hui, cette photo se trouve à côté de mon lit. »

Hergé a-t-il dessiné Louis Bussard dans « L’Affaire Tournesol »? Et si oui, est-il au volant ou devant l’autocar ? Louis Bussard l’ignore. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y avait que quatre chauffeurs qui étaient dévolus à cette tâche chez Auderset & Dubois. Il y a donc 25% de chances pour que ce soit bien lui qui accueille Tintin devant l’autocar! (lm)

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