Destination Népal - Claude Bernard, un slow voyageur...

En 1968

En 1968 (soit huit ans après la sortie de l’album Tintin au Tibet), j'étais à Katmandou à l’Oriental Lodge, sur la place Durbar Square.
La petite capitale était construite autour de ses temples, avec de nombreux bâtiments coloniaux, peints à la chaux, bordés de nombreux jardins plantés d'arbres centenaires. Une large rivière à l’eau vive permettait aux lavandières de nettoyer et d’étendre leurs linges sur les rochers. Il y avait aussi une multitude de lopins de terres cultivées qui s'étendaient jusqu'aux flancs des collines et loin à l'horizon, s’élevaient de hautes montagnes enneigées.
Documentation d'Hergé - Bouddhanath
Dans des rues que l’on pourrait dater de notre moyen âge, il y avait sur les deux côtés des échoppes à devantures et fenêtres de bois sculptés. Des statues d'animaux fabuleux en bronze marquaient l’entrée de temples aux bas-reliefs effrayants, souillés de poudres rouges éclatantes. Devant ces lieux de culte, des pélerins se prosternaient et toute une foule bigarrée en costumes traditionnels bruyante et laborieuse s’y activaient. On rencontrait aussi de nombreux porteurs (*) ou sherpas chargés comme des scarabées et de surprenants touristes aux cheveux longs décorés de fleurs, de bijoux et de cotons indiens.

(*) Les sherpas :

Le culte de la montagne, l’himalayisme n’est pas loin. L’Everest domine toute la chaîne de sa puissance alors que l’homme convoite son sommet. Pourquoi vouloir escalader de tels géants de la nature ? Aller toujours plus haut, voilà l’idée qui obsède certains alpinistes. Le 29 mai 1953, le néozélandais Hillary et le sherpa Norgay réalisent l’exploit d’atteindre le sommet. Ils devront en partie leur victoire aux sherpas qui les avaient accompagnés, car pas d’escalade envisageable sans sherpa ! Ces hommes, généralement originaires du nord-est du Népal, sont essentiels à la réussite de l’ascension. Ils sont résistants et bien sûr habitués à la haute altitude où l’oxygène se fait plus rare.

Quant aux charges qu’ils portent, elles sont hallucinantes (ils peuvent porter le poids d’un homme).

Certains restaurants végétariens, bondés par ces exotiques routards exhalaient des odeurs de haschich et des sonorités psychédéliques. Toute cette jeunesse extravagante ne pensait qu’à l’amour, ignorant encore qu'un jour le sida ferait ses récoltes. Fort heureusement, dans cet éden aux odeurs de patchouli, on pouvait manger des pizzas, du miel, des yaourts, du fromage et du pain de campagne.

En 2014

Aujourd'hui en 2014 qu’est devenu Katmandou, sa rivière et ses temples ?
La ville s'est répandue sur la campagne environnante, des immeubles ont noyé les rues anciennes. Il n’y finalement plus que l’aéroport que l'on reconnaît encore quand on arrive du ciel. Des infrastructures d'acier permettent aux gros porteurs de déverser leur flot incessant de touristes avides de légendes et d’échappées en montagnes.

« Depuis 2010, entre 500 et 600 grimpeurs tentent l'aventure durant deux mois, d'avril à fin mai. L'industrie de l'escalade rapporte chaque année plus de trois millions de dollars au Népal, et le tourisme quant à lui un total de 356 millions, soit près de 2% du PIB national ».

(Source et plus d’infos sur : geopolis.francetvinfo.fr)

Les sherpas ont fait récemment la Une de l’actualité ! Ils se sont mis en... grève ! La faute à l’avalanche dévastatrice du 18 avril 2014 et une relative indifférence des autorités népalaises. Seize sherpas ont perdu la vie et les familles des disparus réclament un dédommagement à la hauteur des pertes humaines !

Des immeubles toujours plus hauts et jamais terminés laissent pointer vers le ciel des barres de fer en attente d’un étage supplémentaire. Des cuves noires en plastique et des antennes de toutes sortes s’affirment comme signes extérieurs du confort. Dans les avenues en travaux qui traversent la capitale, la circulation est infernale ; ça pétarade, ça klaxonne, ça pue le gasoil, on se bouscule sur les trottoirs. Dans les petites rues, les pousse-pousse et les porteurs, démodés, ont presque disparu, laissant la place aux Royal Enfields, harnachées comme des mulets.
Royal Endfields
Les temples sont cernés par de hautes constructions à terrasses sur lesquelles on peut boire sa bière tout en regardant les pèlerins tourner inlassablement autour du temple qui semble tout dominer. Là, de nombreux soldats et policiers, caparaçonnés comme des cloportes et armés de fusils et de bâtons, sont toujours en alerte car ils veulent empêcher les Tibétains suicidaires (plus de cent à ce jour) de s'immoler par le feu à la gloire du Tibet libre.
Après avoir affronté la rue, le coude à coude, la boue, les pièges à entorses sur les égouts et les frôlements de motos, on arrive enfin aux temples. Là est la récompense car ils nous attendaient, immuables, majestueux, à la gloire de dieux odorants, fleuris et couverts d'or. Bien sûr, les marchands sont là. Ils vous proposent dans toutes les langues les richesses inépuisables du Tibet, mais vous proposent aussi des fleurs, des fruits délicieux et pour dix cents, un bol de terre cuite au soleil rempli d'un merveilleux yaourt dont on ne paie que la première dégustation.
En insistant un peu, et si l’on inspire confiance, on peut même trouver enfoui au fond de sa cachette un authentique Setuche. Formellement interdit à la vente, il se négocie pour 3000 dollars, ce qui représente des centaines d`heures de travail et la vie de cinq petites chèvres en voie de disparition...
Setuche
Quand on a la chance de retrouver la rivière, on s’aperçoit qu'elle s’est transformée en décharge : bidon, plastique, bouts de bois en tous genres ou une humanité sans caste campe et prolifère à la recherche des miettes de la capitale. De loin en loin, là où étaient les jardins et les potagers, des cheminées de fours à briques, devenus indispensables aux bâtisseurs, laissent échapper des nuages de fumées noires qui voilent la ville et la dissimulent des sommets enneigés qui permettaient autrefois au visiteur de s'orienter .
Après l'assassinat de toute la famille royale à Katmandou en 2001, le Népal a perdu son héritage ancestral et n’est devenu qu’un enjeu politique entre ses deux grands voisins.
Du sud, des millions d’Indiens en quête de terres envahissent les pentes des montagnes. Ils défrichent, plantent et bâtissent de petites maisons et tracent des sentiers qui lient ces casemates les unes aux autres. L’armée indienne, omniprésente, défend le pays contre un futur hypothétique envahisseur mais protège ses pionniers.
La Chine ou le Tibet au Nord ouvrent des routes dans l’Himalaya et d’énormes camions à une journée de route de Lassa, ville sacrée des Tibétains, déversent sur la capitale népalaise tous les produits nouveaux, fruit des technologies chinoises.
L'avenir politique et culturel népalais se gère, hélas, à Katmandou entre les ministres composés des deux castes principales et très influencés par les pays étrangers. Leur but était de trouver une forme de constitution supposée protéger la centaine de groupes ethniques composant le pays. Mais les nombreuses et infructueuses tentatives de constitutions mènent le pays au nom de la démocratie et de l'égalité à l’abandon de la religion, des coutumes, des castes et des traditions et donc, à la perte de l’identité népalaise et à la dépendance grandissante envers ses deux ogres voisins.
L'avenir du pays passera par des routes de plus en plus nombreuses qui vont rejoindre les villages les plus isolés pour leur proposer le gaz, l’électricité et les téléphones portables. Le commerce va changer les hiérarchies ancestrales, l'argent nécessaire pour l'achat de ces produits nouveaux sera de plus en plus dur, impératif, indispensable à gagner.
Autrefois l'homme isolé dans ces rudes climats avait dans les rituels et la prière l’assistance certaine des dieux jusqu’à sa réincarnation, mais aujourd'hui pour gagner cet argent indispensable, les Népalais s’expatrient, le pays brade ses antiquités et se pare, telle une jeune fille sans dot, pour plaire au tourisme.
Quand on sait que l’exportation principale du Népal est la bouse de vaches séchée, on se demande qui peut investir dans ce pays et au nom de quoi ? Seule la géopolitique apporte des réponses. Pour certains, un Népal, simple couloir de passage entre l’Inde et la Chine serait l’idéal, car le petit pays n’est pas exempt d’intérêt et suscite la convoitise. Le secret de son futur : la montagne et ses minéraux ; la manne naturelle, la neige et l`eau…qui descend naturellement vers l’Inde. Mais le dragon chinois ne se laissera pas déposséder de ses ambitions...
Des considérations qui appellent une conclusion en forme de fable : Le yack, le cobra et le dragon.
Les dieux informés des difficultés de pâturages en ces hautes montagnes... et reconnaissants de la piété du yack, décidèrent de lui donner un royaume plus hospitalier. Notre yack devenu un jour Népalais broutait heureux sur ses terres du sud, mais fut hélas piqué par un perfide cobra. De savants docteurs lui conseillèrent les aphotiques de son illustre voisin du nord, le dragon. Celui-ci lui promit de le guérir en échange de la moitié de son royaume, mais le yack dans sa grande sagesse préféra la mort. Il retourna finir ses jours dans ses vertes prairies et montagnes immaculées. Mais la mort ne vint pas, car les dieux prévoyants et heureux de sa décision l`avaient immunisé contre le venin du cobra.
Un yak (Bos grunniens) domestique
Moralité : Ne cédez jamais même au prix de la vie la terre qui vous a été confiée par les dieux.

Dans Tintin au Tibet :

L’aventure aurait pu s’intituler "Tintin au Népal" car c’est bien au Népal que Tintin part à la recherche de son ami Tchang. Sans oublier d’autres éléments de la vie népalaise qui plantent le décor de cette merveilleuse aventure (le yéti, les lamaseries, les sherpas, etc...).
Bien sûr, Katmandou offre au visiteur une activité rurale et exubérante où se mêle une foule colorée. Dépaysement assuré avec ces rues étroites recouvertes de piments qui sèchent au soleil, bordées de maisons aux toits de mousse.
Point de départ et d’arrivée des fameux trekkings, Katmandou était aussi un lieu de pèlerinage pour les babas cool des années septante.
N’hésitez pas à relire notre Carnet de voyage sur le Tibet
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