Un tulku belge
Il a presque l'âge de Tintin... et comme Tintin, il avait fait ses valises pour aller au pied de l'Himalaya. Mais ici, la démarche ne consistait pas à partir à la recherche de Tchang, mais à celle de Bouddha.
Giel, âgé de 15 ans, de nationalité belge, était censé embarquer le vendredi 13 septembre dans l'avion qui devait le transporter à New-Delhi via le Qatar.
Interview de Giel (en néerlandais)
Le but de son voyage était de rejoindre un monastère bouddhiste situé à 2400 mètres d'altitude au pied de l'Himalaya et d'y demeurer au moins une quinzaine d'années pour recevoir l'ordination et devenir « tülkou » ou maître « lama ». Il était censé suivre l'enseignement bouddhiste dans ses dimensions aussi bien spirituelles (méditation) et universelles qu'historiques et sociologiques, tout en se lançant dans l'apprentissage de la langue tibétaine.
Le terme tulkou encore transcrit tülkou, est la traduction en tibétain du sanscrit nirmanakaya. Littéralement, il signifie " corps d'apparition ", " corps émané ", voire corps magique ou miraculeux (Source : wikipédia).
Si les tulkus sont traditionnellement tibétains, ces derniers temps, on en voit débarquer d'autres régions du monde, comme l'Espagnol Tenzin sel Rinpoché (né en 1985), réincarnation de Thubten Yeshe, ou le franco-américain Trinlay Tulkou (né en 1975), reconnu par Kalou Rinpoché.
Notre futur candidat belge devait prononcer ses vœux de moine et porter le nom de Lobsang Nyima pour partager la vie monacale avec d'autres moines.
Comme d'autres jeunes, Giel tourne le dos à notre modèle sociétal et souhaite rompre avec un rythme de vie qui ne lui convient pas : " Ce sera parfois difficile... mais tout le côté matérialiste ne m'intéresse pas... ! " Il souhaite quitter son petit monde douillet pour le calme mental et le développement de la compassion et du détachement.
Malgré son jeune âge, Giel étonne par sa volonté et sa capacité de conviction. Mais la justice belge ne voit pas cela du même œil et frappe du maillet pour l'empêcher de revêtir les vêtements monastiques (ciivara ou ticiivara) et tenir le bol à aumônes (patta).
Le 13 septembre, jour prévu pour son départ, la Chambre de la Jeunesse de la Cour d'Appel de Gand a réformé la décision du juge de la jeunesse qui avait prononcé son nihil obstat et offert les clefs du monastère. Mal lui en a pris de vouloir partir un vendredi 13, la superstition judéo-chrétienne a percuté !
Pourquoi la justice belge s'obstine ? Derrière « l'entêtement » du parquet, il y aurait l'ombre d'un oncle qui soupçonnerait une certaine naïveté adolescente, voire un endoctrinement de Giel.
Cette délicate affaire ouvre bien sûr la question du fameux Libre Arbitre (appuyé par la mère) et de permettre à chacun de nos jeunes de développer sa propre individualité et de s'épanouir selon son propre rythme.
Tintin, le "cœur pur"
Tintin lui-même (dont on ne connaît pas les parents) n'a pas eu un oncle pour l'empêcher de partir à l'aventure et de parcourir le monde, mais bien évidemment un cas n'est pas l'autre et la pensée positive d'une telle démarche, aussi courageuse et sincère soit-elle, n'est sans doute pas une raison suffisante pour ignorer les précautions élémentaires de contrôle qu'une justice attentive souhaite imposer. Mais faisons confiance à la justice, tout en ne sous-estimant pas le libre arbitre (liberum arbitrium en latin) de nos jeunes !
Comment Hergé aurait-il réagi face à un tel événement, lui qui avait dans les années soixante été si sensible à l'enseignement bouddhiste et de manière plus générale aux courants de pensées orientaux ? Le dessinateur avait beaucoup évolué au fil des ans et se distinguait à cette époque par une philosophie aussi originale que personnelle. Nul doute qu'il aurait été réceptif à cette histoire d'un jeune " Cœur pur " du troisième millénaire...
Le cas de Giel a fait la Une des médias par delà les frontières. Voici les liens :