Tintin, un exemple ?
À l'occasion de cette rentrée scolaire 2012/2013, la question de la morale revient sur le pupitre ! C'est la grande idée du nouveau Ministre français de l'Éducation nationale, Vincent Peillon. Pas de république sans valeur morale ! Personne ne contestera qu'il est important d'enseigner le respect à nos chérubins et de les aider à développer une relation positive avec les autres. Le Ministre parle d'une idée du "bien vivre ensemble". Ceci vaut pour toute la filière scolaire jusqu'à la terminale.
Le chantier est vaste et l'intention est louable mais la manière d'y parvenir n'est pas précisée. Le journal Le Monde relève d'ailleurs ce détail qui a toute son importance : " Soit elle sert à une remise au pas idéologique de l'éducation dans l'idée d'une meilleure perception par les élèves de l'État de droit, des règles collectives qui sont les nôtres... soit elle prolonge ce qui se fait déjà, au collège par exemple dans les heures de " vie de classe " où l'enseignant et ses élèves évoquent un certain nombre de problèmes liés à la vie quotidienne à l'école ".
La seule certitude, c'est que ce " réarmement moral " se fera sous le couvert de la laïcité qui selon ce principe n'autorise aucune interférence avec les croyances religieuses.
Pour mieux comprendre le débat qui se pose, pourquoi ne pas déjà revenir aux valeurs de la République et tenter déjà de les comprendre et profiter de la lecture des Aventures de Tintin pour défricher déjà quelques pistes. Ce débat nous permet aussi de nous pencher sur les valeurs humanistes et morales de Tintin.
Tintin est :
- Courageux : il affronte et brave le danger ; il fait face aux risques
- Déterminé : il est opiniâtre et résolu. Il n'abandonne jamais ce qu'il a entrepris
- Dynamique : l'inventivité et l'ingéniosité de Tintin reflètent toutes les qualités
- Pur : Tintin est irréprochable, exempt de corruption de défaut sur le plan moral
- Autonome : Tintin se prend en charge et a l'esprit d'initiative
- C'est David : contre Goliath bien sûr ; il s'attaque aux forts qui usent de leur force et pouvoir contre les démunis
- Intelligent : Tintin se sert de son intelligence pour se sortir des pièges. Il est rusé comme un renard.
- Généreux : Tintin est généreux. Il donne sans compter et est désintéressé
Partons des fondamentaux : exemplarité, fraternité et solidarité constituent le socle de notre société. Ce retour de la morale à l'école est une bonne chose mais tout un chacun devra montrer l'exemple et être aussi exemplaire que Tintin !
La fraternité est une des trois composantes de la devise de la République française. Ce terme renvoie au premier article de la déclaration universelle des droits de l'Homme (qui s'inspire de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789): " Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."
Pour Jacques Attali : " On peut définir la fraternité comme un ordre social, dans lequel chacun aimerait l'autre comme son propre frère."
Elle implique le respect mutuel, la tolérance et renvoie à la notion de solidarité : la solidarité est un lien d'engagement et de dépendance réciproques entre des personnes ainsi tenues à l'endroit des autres, généralement des membres d'un même groupe liés par une communauté de destin (famille, village, profession, entreprise, nation, etc.).
Quelle différence entre fraternité et solidarité ?
Pour Régis Debray : " La solidarité est la traduction juridique, concrète de la fraternité ".
Revenons à Tintin et tentons de relever dans ses aventures des moments de fraternité qui pourront illustrer notre sujet et donner des idées à nos jeunes lecteurs :
Le Lotus bleu : Tintin sauve Tchang de la noyade à la page 43 de l'album comme si ce dernier avait été son propre frère sans faire différence de nationalité ou de couleur de peau. C'est un acte humaniste qui fait prendre conscience que les hommes appartiennent tous à la même " famille humaine ".
Le Temple du soleil : Tintin n'hésite pas à défendre Zorrino, le petit marchand d'oranges brutalisé par deux manants (page 18 et 19 du Temple du Soleil). Comme le dit Georges Charpak, " la fraternité consiste à ne pas abandonner les laissés-pour-compte ".
Dans Coke en stock : Tintin intervient vigoureusement pour éviter qu'un passager ne rende plus difficile un atterrissage forcé (page 18).
Dans Tintin au Tibet : Haddock échappe de justesse à la mort sauvé par Tintin qui dit : " Nous nous sauverons ensemble ou nous périrons ensemble " (page 40) ; ici la fraternité va jusqu'au don de soi qui perpétue cet esprit de générosité qui caractérise Tintin !
Dans Les Bijoux de la Castafiore : c'est cette fois sous l'impulsion d'Haddock qui invite les Tziganes à venir s'installer aux abords du Château de Moulinsart plutôt que de moisir dans un dépotoir que la fraternité s'introduit dans le récit : " Obliger des êtres humains à vivre dans un pareil dépotoir : c'est révoltant ! " Ici, Hergé aborde notre rapport à l'autre : " Faut-il voir dans l'Autre un semblable à soi-même ou bien un étranger radicalement autre ? "
Autant de situations qui témoignent de la richesse de l'œuvre d'Hergé et de l'actualité de ses aventures.
Et Hergé dans tout ça ?
Si Tintin offre maints exemples de sa fraternité et de sa solidarité dans la plupart de ses aventures, son créateur, Hergé, put également faire preuve, dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle, de gestes et d'engagements altruistes, voire humanistes à l'égard de ses semblables. Mais l'auteur, qui a toujours détesté le bruit et le tape-à-l'œil, s'est le plus souvent exécuté en toute discrétion. Son credo pouvait se résumer en quelques mots : être fidèle dans l'amitié, comprendre plutôt que juger et respecter la parole donnée.