Peuple de légende ; légendes d'un peuple

Les Bijoux de la Castafiore (1963) - Page 40

Avant de traverser l'album, Les Bijoux de la Castafiore, les tziganes ont parcouru l'Europe d'est en ouest et du nord au sud. Chassés, pourchassés, méprisés, soupçonnés de tous les méfaits. La leçon des Bijoux : chaque peuple a droit à la dignité, et celle-ci ne peut naître que dans le dialogue. Suite à quelques incidents locaux, la répression s'abat sur les « gens du voyage », en France, en Belgique... après la Roumanie et la Bulgarie, où les persécutions sont permanentes. Les Roms, un peuple maudit ?



Qui sont les tziganes ?


D'abord, un peuple mal connu. La thèse la plus généralement retenue est que les Tziganes sont parmi les derniers descendants des Scythes, ce peuple qui régna sur une partie du sous-continent indien et à l'est de l'Europe, voici des milliers d'années. Les origines du peuple tzigane remontent à la nuit des temps. On les fait venir d'Inde, d'où ils tiendraient un de leurs noms : « Rom » signifie « homme » dans une des langues pratiquées en Inde. Aujourd'hui, les Tziganes constituent une population estimée entre deux millions et 2,4 millions de personnes. Contrairement à ce que l'on croit, ils sont présents dans presque tous les pays européens. Et même au-delà : 600.000 en Russie, 500.000 en Turquie, 200.000 en Ukraine, 25.000 en Moldavie, 15.000 en Biélorussie et quelque 70.000 répartis entre la Norvège, la Finlande et les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). La plus grande communauté tzigane vit en Roumanie (2.400.000 personnes) : cela leur vaut d'être appelés « Roms ». Mais cette appellation ne vaut pas pour les groupes établis dans d'autres pays. Il est plus correct de parler de « peuple tzigane ». Il est donc faux de croire que « Rom » est une allusion à la Roumanie, où séjournent de nombreux Tziganes. De même qu'un de leurs surnoms, « bohémien », ne signifie pas qu'ils viennent de Bohème, une région qui englobe une partie de l'Autriche, de la Hongrie, de la Tchéquie, de la Slovaquie, de la Croatie et de la Serbie !
Un nom - oui mais, quel nom ?


La richesse de la culture tzigane (on écrit aussi : tsigane) mérite d'être découverte. Elle souffre d'un handicap énorme : la plupart des groupes ne sont pas sédentaires, les persécutions les ont précipités dans le nomadisme. Tout cela ne favorise pas la conservation d'archives. On sait qu'ils ont quitté le Rajasthan (Nord de l'Inde) au cours du 9ème siècle et qu'ils parlent une langue indo-européenne, proche du sanskrit, vieil idiome utilisé depuis la plus haute Antiquité. Selon leur lieu d'établissement et leur origine régionale en Inde, ils ont adopté, tantôt le nom Rom (ce qui signifie « homme » en langue romanie) ou Roma ou Romungrés, Sinti, Manus (manouches), Calé (qui a donné « gitan »). En Hongrie (où ils constituent une communauté de 600.000 âmes), on parle plutôt de « tziganes ». En Espagne (le groupe le plus important d'Europe : 800.000), on parle plutôt de « gitans ».
Une histoire faite de persécutions


On ne compte plus les persécutions dont les tziganes ont été victimes, dans tous les pays où ils ont séjourné. Petit tour d'horizon de la situation actuelle, en Europe. En Pologne, ils ne sont plus que 45.000. En Allemagne, 140.000 ; en France, 400.000 ; en Belgique, 35.000 ; au Royaume-Uni, 150.000 ; en Slovaquie, 450.000 ; en Serbie, 500.000 ; en Bulgarie, 800.000 ; en Italie, 120.000. L'Eglise catholique a longtemps assimilé Tziganes et sorciers, suppôts du diable. Cela n'a fait qu'aggraver le sentiment de méfiance et d'hostilité à l'égard de ce peuple, longtemps nomade. Aujourd'hui encore, 48 % des Espagnols ne veulent pas de Gitans pour voisins, alors que ces derniers sont intégrés à la vie quotidienne depuis longtemps. La plus grande persécution contre les Tziganes eut lieu entre 1933 et 1945, sous le pouvoir nazi. Avec les Juifs, les Tziganes furent les victimes les plus nombreuses des bourreaux de Hitler.



Aimés, repoussés...


Un vieux proverbe roumain dit : « De loin, le Tzigane est un être humain ». Outre le caractère odieux de cette phrase, elle trahit une attitude générale à l'égard des Tziganes. En Espagne, ils furent nombreux à travailler dans les manufactures. Ce n'est pas pour rien qu'une célèbre marque de cigarettes avait adopté l'image de la gitane comme emblème. Et on se souviendra que Carmen, la gitane de l'opéra de Georges Bizet, était cigarière. Et pourtant, en 2008, les gitans espagnols restent confinés dans les petits boulots : moins de 1 % d'entre eux accède à l'université ; on continue à leur attribuer la responsabilité des agressions, alors que les victimes gitanes d'attaques sont légion. En Autriche, aussi. On célèbre la musique tzigane, notamment dans les opérettes  -  mais pendant la période nazie, pratiquement tous les tziganes d'Autriche ont été déportés et gazés en masse, quand ils ne servaient pas de cobayes pour des expériences médicales barbares.



Une liberté chèrement payée


Les Tziganes ont la réputation d'aimer farouchement la liberté. Cela a un prix : selon un rapport de l'Unicef (Fonds des Nations Unies pour l'enfance), en 2005, 84 % des Tziganes roumains vivaient sous le seuil de la pauvreté ; le pourcentage monte à 84 en Bulgarie et à 91 en Hongrie. En Italie, on veut les ficher ; un grand magazine a titré « Nés pour voler » sous la photo d'un jeune Tzigane, ce qui en dit long sur l'opinion publique à l'égard de ce peuple mal aimé... en 2008.En Roumanie, on les parque dans des ghettos  -  parfois les ghettos, occupés autrefois par les Juifs que délogèrent les autorités roumaines avant de les livrer aux nazis. Trop souvent, les Tziganes vivent dans des conditions inacceptables pour des êtres humains.

Les Bijoux de la Castafiore page 47
Le choix du dialogue


Le 16 septembre 2008, s'est tenu le premier sommet européen consacré aux Tziganes, afin de trouver les solutions à l'amélioration de leur sort. Plusieurs obstacles : le peuple tzigane ne constitue pas une unité. Si leur langue est d'origine indo-européenne, ils ont développé des dialectes locaux qui les empêche de se comprendre d'un groupe à l'autre. S'ils son t nomades dans certains pays, ils se sont sédentarisés dans d'autres (Espagne et Roumanie, notamment). Mais le plus gros obstacle pourrait être plus profond : avons-nous vraiment envie de dialoguer avec eux ? C'est bien la leçon à tirer des Bijoux de la Castafiore : en 1961, Hergé était un des premiers à porter un regard dénué d'animosité à l'égard des Tziganes. C'est en s'ouvrant au dialogue avec ses visiteurs inattendus que Tintin et Haddock, parviennent à dissiper nombre d'idées reçues... et fausses.



Pourquoi ne les Etats ne les aime-t-ils pas ?


A toutes les époques de l'Histoire, les États ont aimé surveiller les citoyens. Pour une raison primordiale : la collecte des impôts ! Quand on sait où vous habitez, quel métier vous exercez, l'État peut lever des taxes - en retour, il vous assure certains services : écoles, travaux publics, routes, fourniture d'eau, transports en communs, etc. Les gens du voyage ne paient pas d'impôts, puisqu'ils se déplacent sans cesse, d'une région à l'autre, sans égard pour les frontières. Mais il y eut d'autres raisons : la religion a souvent accusé les Tziganes de sorcellerie. Le régime nazi les considérait comme des « sous-hommes » et les extermina dans des camps de concentration. On cite le cas de familles dont 59 membres sur 56 ont péri à Auschwitz, victimes souvent d'expériences médicales monstrueuses. Sous le régime communiste (en Russie), il y eut aussi des vagues de persécution, cette fois, parce que les autorités estimaient que les Tziganes ne voulaient pas entrer dans le circuit « normal » du travail.



Saviez-vous que... ?


Les langues tziganes ne sont pas écrites : les Tziganes refusent de mettre leur langue par écrit. Ils n'aiment pas non plus que les « gadje » (non tziganes) apprennent leurs langues. Vieille méfiance à l'encontre de populations sédentaires qui se transforment parfois en persécuteurs !


Il existe une loi du sang : les Tziganes du groupe linguistique Sinto respectent une loi du sang très stricte. Ils ne peuvent se souiller par le sang et, en conséquence, évitent tout contact avec le corps médical. Le Tzigane, qui fréquenterait une infirmière, par exemple, est exclu de sa communauté.


Il y a près de 300 000 Tziganes en France : 130 000 d'entre eux se rassemblent, une fois par an, dans un camp évangélique, appelé Vie et Lumière. C'est par les traductions en kalderash et en sinti que les langues tziganes laisseront des traces par écrit.
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