2012, l'année de tous les dangers ?
L'année 2012 est étroitement liée aux Mayas et à leurs calendriers qui s'arrêterait le 21 décembre 2012.
A l'instar de Philippulus le Prophète, certains y ont vu l'annonce de la fin du monde ou, à tout le moins, de changements radicaux. L'apocalypse est mise à toutes les sauces. La dette publique des Etats s'envole et l'apocalypse monétaire est brandie par des experts de toute espèce (Lire: l'intéressant blog de Bruno Colmant (De Voltaire à Weimar....à Tintin, blogs.lecho.be). Philippulus occupe une place de choix dans la presse généraliste ou spécialisée qui se nourrit de la crise et des catastrophes: tremblements de terre, éruptions volcaniques, raz-de-marée et autres cataclysmes.
Le Journal Le Monde titrait l'année passée : La séduction du désastre(www.lemonde.fr). Ce que les médias diffusent en continu, «c'est l'effroi: du progrès, de la science, de la démographie, du climat, de la technique, de la nourriture, que sais-je ? Dans cinq ans, dans dix ans, la Terre sera devenue inhabitable, les températures auront monté, séismes, inondations, sécheresses se multiplieront, les guerres opposeront les peuples, toutes les centrales nucléaires auront explosé. L'homme a péché par orgueil, il a détruit son habitat, ravagé la planète, il doit expier. "La fête industrielle est finie", avertissait déjà en 1979 le philosophe allemand Hans Jonas...». (Le Monde, op.cit.).
En réalisant cette aventure - L'Étoile mystérieuse - Hergé traduisait ses doutes durant cette époque politiquement et mondialement troublée qu'était la seconde guerre. Cette aventure fête ses 70 ans et comme à son habitude, Hergé y cultive l'art de la prospective ou de l'intuition qui rend ses aventures éternellement jeunes. Avec Objectif Lune, On a marché sur la Lune, L'Affaire Tournesol et Vol 714 pour Sydney, L'Étoile mystérieuse est aussi l'un des albums de Tintin qui relève du fantastique ou de la science-fiction. Paru en 1942, cet album porte en ses planches le climat de l'époque. Tout prochainement, la planche qui illustre cette prédication de Philippulus annonçant la fin du monde sera mise en vente chez Sotheby. C'est la planche de référence de cet album qui a marqué l'imaginaire collectif des lecteurs. Il est fort à parier que les enchères vont s'emballer (estimation 220.000 - 240.000 euros).
Hergé qui considérait ses histoires comme des films et qui donnait à l'image toute son importance, va dans cette planche et suivantes dramatiser des scènes et amplifier considérablement leurs effets, notamment par l'usage assez rare d'ombres portées.
En parlant d'images, la peur s'empare aussi du cinéma qui n'est pas en reste sur le thème de l'apocalypse. Dans Melancholia de Lars Von Trier, la fin du monde approche en douceur !
A ce titre, un livre intitulé L'Imaginaire de l'Apocalypse au cinéma vient de paraître (Paris, Éditions L'Harmattan). Cet ouvrage codirigé par Arnaud Join-Lambert, Serge Goriely et Sébastien Fevry, analyse la dimension apocalyptique dans l'œuvre de nombreux réalisateurs de cinéma (dont Tarkovski, Lopouchanski, Herzog, Mendes, Kurosawa ou Krzysztof Kieslowski) et de créateurs en art vidéo (comme Bill Viola ou Frank Theys).
Les auteurs de ces études y mettent en évidence non seulement les divers types de représentation de l'apocalypse (catastrophes naturelles ou surnaturelles - et parmi ces dernières divines ou extra-terrestres - etc.), mais aussi la puissance évocatrice des formes visuelles imaginées pour exprimer l'idée de fin du monde. Que l'on se souvienne de certains textes bibliques - et en particulier de l'Apocalypse de Jean! Comme l'écrit Gérard Rochais, Le langage apocalyptique est foncièrement un langage de l'imaginaire.
Par là, il n'est en rien étonnant qu'un auteur de BD comme Hergé se soit lui aussi penché sur cette question pour nourrir ses récits. La représentation de l'apocalypse mise en image dans L'Étoile mystérieuse renvoie à nos angoisses et incertitudes ancestrales ainsi qu'à la finitude des choses.
Mais Hergé permet aussi au lecteur de prendre du recul face aux limites de sa condition humaine et même de s'en amuser: par la magie de la case et la vignette qui ouvrent les fenêtres de notre imaginaire. En cela, Hergé rejoint le cinéma qui, comme le souligne l'ouvrage L'Imaginaire de l'Apocalypse au cinéma, offre aujourd'hui, avec les formidables moyens qui sont les siens, l'exutoire qui nous est à tous nécessaire.