Tintin au Congo : l'avis du Ministre de la Culture français
A propos de la polémique autour de Tintin au Congo, voici la réponse de M. Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture français, à une interpellation faite par un député.
Circonstancié et désireux d'éviter toute controverse inutile et, finalement, liberticide, l'avis vaut la peine d'être lu dans son entièreté.
Nous vous le soumettons, afin de parfaire votre connaissance de ce « dossier », qui montre bien que « l'on ne prête qu'aux riches », car des BD, au contenu réellement dénigrant pour les Africains, voir raciste, ne semble pas inspirer ceux qui se sentent une mission de redresseurs de tort !
Voici le texte paru au Journal Officiel
M. Christian Vanneste (député du Nord) interroge M. le ministre de la culture et de la communication sur la demande de censure de l'ouvrage Tintin au Congo par certaines associations communautaristes ou d'extrême-gauche. La société Moulinsart, qui gère les oeuvres d'Hergé, a pour l'occasion les mots justes : "Lire, en plein XXIe siècle, un album de Tintin datant de 1931, demande un minimum d'honnêteté intellectuelle. Celle-ci nous garde de sombrer dans les anachronismes faciles et trop couramment complaisants". Il aimerait connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet.
Réponse du gouvernement :
Les contestations qui visent actuellement Tintin au Congo s'inscrivent dans le prolongement d'une polémique qui ressurgit à intervalles réguliers. Les demandes d'interdiction de l'album d'Hergé, ou d'insertion d'une mise en garde des lecteurs, font ainsi suite à une action en justice intentée en Belgique et aux décisions prises par des bibliothèques et une chaîne de librairies étrangères, de confiner l'ouvrage dans des sections réservées aux adultes. La version de l'album concernée par ces mesures est celle qu'Hergé a publiée en 1931. L'auteur a entrepris de la remanier en 1946, conscient d'avoir été marqué par les représentations coloniales qui caractérisaient son époque et son milieu. Pour autant, l'album d'Hergé ne révèle ni virulence idéologique ni caractère haineux. Les limites consenties par le cadre législatif français au principe de liberté d'expression sont définies de manière stricte et ne sauraient justifier une systématisation des demandes d'interdiction. Une telle évolution serait contraire tant à l'esprit qu'à la lettre de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer les actes racistes, antisémites ou xénophobes. Le cas spécifique des publications à destination de la jeunesse, règlementé par la loi de 1949 qui confère des compétences en la matière à l'autorité administrative, n'autorise pas davantage à banaliser la censure. L'application de ces dispositions appelle une extrême vigilance et un discernement particulier, afin de parvenir à combiner en toute rigueur la préservation de la liberté de création, les sanctions aux atteintes à la dignité humaine et le respect de la pluralité des identités.
Question publiée au JO le : 15/09/2009 page : 8676
Réponse publiée au JO le : 15/12/2009 page : 11990