Il s’agit de deux productions graphiques remarquables, élaborées tout au long du vingtième siècle, par des auteurs que tout semble toutefois opposer, tant leurs parcours de vie sont différents ! Mais Hergé comme Hugo Pratt ont fait leur entrée au Panthéon de la bande dessinée, nonobstant le fait que les aventures de Corto Maltese connaissent à présent une suite, alors que celles de Tintin sont définitivement clôturées… sur le plan éditorial.
Si l’art d’Hergé, c’est bien plus que Tintin, il en est de même pour Hugo Pratt qui est à l’origine d’une multitude de créations (bande dessinée, littérature, portfolios, illustrations, etc…) et de personnages, comme le Sergent Kirk, Ticonderoga, Billy James, capitaine Cormorant ou Koinsky.
Musée Hergé - Exposition "Hugo Pratt, Rencontres et passages"
Musée Hergé - Exposition "Hugo Pratt, Rencontres et passages"
Musée Hergé - Exposition "Hugo Pratt, Rencontres et passages"
Musée Hergé - Exposition "Hugo Pratt, Rencontres et passages"
Musée Hergé - Exposition "Hugo Pratt, Rencontres et passages"
L’aventure, c’est l’aventure
Tintin et Corto Maltese, ce sont avant tout des personnages de haute lignée dans l’histoire de la bande dessinée. Ils s’imposent surtout comme les plus grands aventuriers de papier du vingtième siècle, chacun dans son genre et dans son style.
Précisons toutefois que Tintin est un peu aventurier malgré lui puisqu’il ne recherche pas l’aventure : c’est l’aventure qui vient le chercher! Il parcourt le monde en compagnie de Milou et devient ce héros sans peur et sans reproche, capable d’affronter toutes les situations et de faire face aux périls les plus grands!
Corto Maltese court lui aussi le monde, d’un océan à l’autre, au gré des marées et des rencontres. Il est l’archétype de l’aventurier séduisant et se distingue par son élégance. Actuellement, on dirait qu’il est « cool », même s’il brave le danger alors que bon nombre d’entre nous auraient plutôt tendance à le fuir ! Ses aventures le conduisent souvent au cœur de la guerre et des conflits. Contrairement à Tintin, la vie personnelle de Corto Maltese est moins mystérieuse, même si elle est tout aussi mouvementée. On connaît sa date de naissance, son parcours, ses parents…
Corto est né à la Valette sur l’île de Malte le 10 juillet 1887. De nationalité britannique, il réside à Antigua dans les petites Antilles. Lors de son premier voyage, il prend le large pour débarquer à Pékin. Ses périples, comme ceux de Tintin, le mènent tour à tour aux quatre coins de la planète.
L’Histoire nourrit les histoires
Tintin a traversé le XXe siècle et Hergé s'inspirait de l’actualité de l’époque pour imaginer les aventures de son alter ego. À sa manière, Corto Maltese surplombe l’Histoire. « Ses exploits rencontrent l’Histoire. C’est ainsi que dans La jeunesse de Corto, il se liera d’amitié avec J. London, correspondant de guerre en Mandchourie pendant le conflit Russo-japonais de 1904-1905 » (Didier MasfrandL’histoire par la bande dessinée : les aventures de Corto Maltese). Il parcourt les cinq continents. Il côtoie de nombreux personnages de tous bords, tantôt curieux ou ambigus, tantôt dangereux. Sa route est jalonnée de rencontres avec des personnalités comme (sans que la liste soit exhaustive) :
• Hermann Hesse - écrivain (Les Helvétiques) • Tamara Lempicka – peintre (Les Helvétiques) • Leroy Parker alias Butch Cassidy – gangster (Tango) • Jack London – écrivain (La jeunesse) • Frederick Rolfe, dit Baron Corvo – écrivain (Fable de Venise et La maison dorée de Samarkand) • Gabriele D'Annunzio (Fable de Venise) • John Reed (La maison dorée de Samarkand)
Et bien d’autres…
D’autres personnages font indirectement référence à des personnes connues, comme le Grec Onatis (Arsitote Onassis) et l’ambulancier Ernestway (Ernest Hemingway) dans Sous le drapeau de l’argent (Les Celtiques). Toutes ces rencontres sont riches de surprises et nourrissent le terreau du récit. Hergé procédait de la même manière pour certains de ses personnages secondaires.
Au cours des années 1917-1918, Corto Maltese est rattrapé par les conflits de la première guerre mondiale (Les Celtiques). Au-dessus de Venise, passent des avions alliés et ceux des Autrichiens bombardant la cité des Doges. Plus loin, sur le front Piave, des observateurs en ballon donnent des renseignements sur les mouvements de troupe.
Avec Toujours un peu plus loin, « c’est dans les Caraïbes où il navigue entre trafics et culte vaudou, à la recherche du lieutenant Stuart, déserteur du 3ème "artists rifle", que Corto prendra connaissance des conditions terribles de la guerre de tranchées, qui se déroule en Europe » (Didier Masfrand op.cit.).
On retrouve Corto Maltese (Les Ethiopiques) sur un autre front, celui de l’Afrique orientale et des rivages de la mer rouge. Il vient en aide à un jeune prince qui se bat pour la révolte arabe.1923 voit Corto Maltese en Argentine à Buenos-Aires à une époque où la traite des blanches faisait rage dans le pays et dans la capitale. Le pays aux trois mille bordels était connu comme le « grand marché » de la prostitution. Ce monde glauque était dénoncé par Albert Londres dans son livre Le chemin de Buenos-Aires en 1927. La situation était grave à ce point que même la Société des Nations a ordonné une enquête sur le sujet !
D’autres évocations de l’Histoire se trouvent dans les aventures de Corto Maltese. L’Histoire avec un grand H sert d’arrière-plan du récit. C’est sur cette toile de fond que Corto et les personnages qui l’entourent viennent se greffer.
Albert Londres, Henri de Monfreid sont des personnalités qui ont inspiré tant Hergé que Hugo Pratt.
L’amitié au centre des aventures
Autre point commun, l’amitié au centre de l’aventure, même si chez Corto Maltese, cette amitié se veut un peu plus féminine et romanesque. Les amitiés accompagnent ses aventures et comptent pour lui, même si en définitive, elles sont peu nombreuses et fidèles. Les femmes sont bien plus présentes chez Corto que dans le monde de Tintin. Corto fait de nombreuses rencontres féminines et tombe amoureux de certaines d’entre-elles. Quelques femmes lui sauvent la vie. D’autres sont dangereuses et envoûtantes.
Hergé et Pratt, deux créateurs très importants, si pas les plus importants de l’histoire de la BD
Chacun a son style et ses modes de travail, mais des aspects de ce rôle semblent immuables :
• Le sens de la narration…et l’importance du récit (tous les deux sont dessinateurs et narrateurs) • Une maîtrise de la technique du noir et blanc • Un style très cinématographique • Un personnage central : mythe de l’aventurier… • Le recours à l’ésotérisme même si Pratt met plus l’accent sur les réalités cachées qu’Hergé
Une exposition Rencontres et passages
L’exposition au Musée Hergé se veut un parcours à travers les pensées et les oeuvres de Pratt en un jeu permanent de renvoi entre la parole et l’image, car telle est l’essence de Pratt : raconter par images, des images que l’auteur arrive à créer à travers sa pensée. Un voyage virtuel, en suivant les traces de Pratt au long d’une vie liée à des rencontres directes, comme avec Oesterheld, Ivaldi, Rieu, Bonelli, Platteau, ou indirectes, comme avec Stevenson, London, Curwood, Zane Grey, Borges, Yeats et bien d’autres encore. Des rencontres qu’il a su transformer par son art de dessinateur et d’écrivain au travers de personnages fantastiques, d’histoires aventureuses, de dialogues ironiques, de silences chargés d’émotions et de poésie dans une œuvre immense et diversifiée.
Cette exposition consacre aussi une union sacrée entre deux artistes, Hergé et son Musée, d’une part et Hugo Pratt comme premier hôte d’honneur, parmi la grande famille des auteurs ! Une sorte d’écho à cette journée passée ensemble à Venise dans les années 70 au cours de laquelle ils ont confronté leur univers.
Ecouter la conférence donnée lors de l'inauguration de l'exposition "Rencontres et passages" :
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