Tchang !
Par ce nom, exclamé en plein restaurant par Tintin, un jeune Chinois refait son apparition dans l'univers d'Hergé. Mais connaît-on bien le vrai Tchang ?
Rendez-vous au Musée Hergé
Tchang & Hergé, parcours d'artistes : c'est le titre d'une passionnante exposition qui se tiendra au Musée Hergé, à partir du 21 octobre 2009 et jusqu'au mois de février 2010.. On aurait pu aussi intituler : Tchang & Hergé, parcours d'aventuriers de l'amitié. Impressionnant, mais un peu réducteur. Car il s'agit de retracer les destins croisés de deux artistes, dont l'art et les biographies sont intimement liés. Hergé a toujours insisté sur l'important apport de Tchang, non seulement dans Le Lotus bleu, mais dans l'orientation de son travail sur Tintin et ses autres créations. De son côté, et sans doute à cause de la popularité de son alter ego en bande dessinée, Tchang-Tchong-jen reste un artiste trop mal connu Bonne visite à Louvain-la-Neuve, dans le monde du beau et de l'amitié!
1907, aux deux extrémités du monde
Hergé le reconnaissait très volontiers: "Je dois à Tchang d'avoir mieux compris le sens de l'amitié, le sens de la poésie, le sens de la nature... C'était un garçon exceptionnel (...) Il m'a fait découvrir et aimer la poésie chinoise, l'écriture chinoise: " le vent et l'os ", le vent de l'inspiration et l'os de la fermeté graphique. Pour moi ce fut une révélation." Comment, s'exclament ceux qui ne connaissent pas bien le monde de Tintin, Tchang a vraiment existé ? Bien sûr ! Tchang Tchong-jen et Georges Remi (Hergé) sont nés la même année: 1907. L'un, le 15 septembre, à Xujiahui, un faubourg de Shanghai; l'autre, à Etterbeek, le 22 mai, dans la banlieue de Bruxelles. Détail significatif: le nom Tchang Tchong-jen signifie «plein d'humanité». L'enfant naît dans une paisible famille, fondée par un sculpteur sur bois et une brodeuse.
Tchang, avant Hergé et Tintin
Toute la vie de Tchang sera marquée par les accès de fièvre de l'Histoire. Le 20ème siècle, en Chine, voit des bouleversements majeurs et dramatiques. Ainsi, en 1911, est proclamée la République chinoise, qui succède à un pouvoir impérial de plus en plus affaibli. Depuis le milieu du 19ème siècle, des pays occidentaux nourrissent des visées colonialistes sur la Chine: l'Angleterre, la France, l'Allemagne, la Russie, les Etats-Unis. Cela crée des tensions et des agitations régulières. Néanmoins, à l'abri de ces mouvements, le jeune Tchang réalise ses premiers dessins. Il reproduit des illustrations d'un roman populaire, datant du 14ème siècle, Les Trois Royaumes. Autodidacte, autant par goût qu'en raison des aléas de l'époque, il apprend le dessin en observant les images glissées dans les paquets de cigarette. Il découvre aussi comment confectionner de petits personnages en terre glaise.
Pendant ce temps là à Bruxelles...
Nous n'allons pas revenir sur la biographie d'Hergé, que vous pouvez retrouver par ailleurs sur ce site. Rappelons qu'élève et scout à l'école Saint-Boniface (Ixelles, près de Bruxelles), le jeune Georges Remi se montre passionné de dessin, dès sa plus tendre enfance. Sa première production d'envergure s'intitule Totor, C.P. des Hannetons, qui paraît dans une revue scoute, à partir de juillet 1926. L'auteur n'a pas 19 ans ! Plus tôt dans sa vie, lors de la fête de Pâques en 1922, il a fait la connaissance du père Edouard Neut, futur animateur de l'association des étudiants chinois en Belgique - une rencontre qui ne restera pas sans conséquences...
De 1927 à 1931
En 1927, ses études terminées, au cours desquelles il a appris à maîtriser le français, Tchang Tchong-jen est, comme tous ses compatriotes, balloté par les tourments de l'Histoire. Cela ne l'empêche pas de devenir brièvement décorateur aux studios de cinéma Hehe, avant d'entrer au Tuhua Shipao (Magazine d'Art contemporain). Il donne aussi des cours de dessin à des enfants de familles huppées. C'est dans l'une d'elle qu'il rencontre Madame Tan. Elle devient sa marraine et l'incite à décrocher une bourse pour poursuivre ses études artistiques en Europe. C'est le 18 septembre 1931 que Tchang Tchong-jen quitte Shanghai par bateau à destination de Marseille et de la Belgique. Il ne sait pas encore que, dans ce pays, un quotidien publie un supplément pour enfants, le "Petit Vingtième", depuis le 1er novembre 1928.
Un brillant élève des Beaux-Arts
Comme par un fait exprès, le jour où le bateau de Tchang quitte Shanghai, des espions japonais sabotent la ligne de chemin de fer reliant Moukden à T'ien Tsin. Ce sera le prétexte à l'invasion japonaise de la Mandchourie. De son côté, Hergé (Georges Remi a choisi définitivement son pseudonyme) commence à se faire connaître. Le 10 janvier 1929, il a créé Tintin, envoyé en Union soviétique, au Congo, en Amérique et en Orient - une aventure qui, sous forme d'album, s'intitulera Les Cigares du Pharaon. De 1931 à 1934, Tchang s'est révélé un brillant élève de l'Académie royale des Beaux-arts. Il a appris à parfaire ses dons innés et y a adjoint la sculpture. Il devient secrétaire et porte-parole de l'association des étudiants chinois de Belgique, où il rencontre l'abbé Neut. Sans que Tchang ne la sache, le lien avec Hergé est ainsi établi. Une histoire que vous trouverez la semaine prochaine, à cette même place !